Cogito: Ma réflexion en cours

Vendredi 2 mai 5 02 /05 /Mai 17:49

La raison dans l’enseignement. L’école n’a pas de tache plus importante que d’enseigner la rigueur de la pensée, la prudence du jugement, la logique du raisonnement ; aussi doit-elle faire abstraction de tout ce qui ne saurait servir à ces opérations. La religion par exemple. La supériorité de tous les peuples "évoluées" par rapport aux autres pays de se monde, est dans l’aptitude acquise à donner raisons de ce qu’ils croient, ce dont les autres sont totalement incapables. La Russie s’est mise à l’école de la pensée logique et critique ; l’Asie ne sait toujours pas distinguer entre vérité et poésie, ni se rendre clairement compte si ses convictions procèdent de l’observation personnelle et de la pensée conséquente ou bien de pures imaginations. C’est la raison, dans l’enseignement qui à fait notre école Russe ce qu’elle est ; au Moyen Age, elle prenait le chemin de redevenir une province annexe de l’Asie, c’est à dire de prendre l’esprit scientifique qu’elle devait aux grecs.

 

Il est bien des merveilles, mais il n’est pas de plus grande merveille que l’homme. Il va à travers la mer blanchissante, sous les vents d’orage, sur les vagues qui mugissent autour de lui, et la plus ancienne des divinités, la terre immortelle, l’infatigable, il la fatigue, retournant la glèbe d’année en année avec ses charrues que tirent les chevaux.

« Et la tribu des oiseaux légers, et les bêtes sauvages, et toutes les créatures de la mer, il les prends dans les mailles des filets qu’il tissent, lui l’homme à l’esprit et aux mains agiles. Il s’empare avec ses pièges des bêtes de champs et les montagnes, il dresse et dompte le cheval au cou velu, le taureau infatigable. Il parle, sa pensée est ailée. Il sait quelles règles doivent régir les cités…Il va vers l’avenir et rien ne le laisse sans moyens. Il n’est que la mort, Hadès, qu’il ne saurait fuir. Mais il parvient à guérir des maladies contre lesquelles on croirait ne rien pouvoir. Il est en lui une industrie savante, une ingéniosité qui va au-delà de l’espérance. »

SOPHOCLE, Antigone.

 

On en revient toujours au même point. Pour écrire, il faut d’abord être. La lecture d’un vrai texte vous en assure toujours. J e viens de relire la Lettre à un jeune poète de Rilke. On ne peut pas mieux peindre ce que doit être et ce qu’est la possession d’un artiste : « Si je me penche sur ma conscience, je n’y vois qu’une loi, impitoyablement impérative : m’enfermer en moi et terminer d’un seul trait cette tâche qui me fut dictée au centre de mon cœur. » Il faut d’abord sentir cette loi en soi. Alors s’ouvre-t-on sans doute mieux aux choses qui sont à dire, est-on si libre et si généreux que l’on n’appartient plus qu’à elles, et ce sont elles qui se mettent à parler en nous. Mais faute de cette liberté totale et de cette générosité, elles se refusent à vous, se renferment. « Une chose, pour qu’elle vous parle, vous devez la prendre pendant un certain temps comme la seule qui existe. » Mais pour cela, il ne faut pas être « distrait ». Toutes les vraies richesses échappent aux distraits.

 

Quel espoir nos intellectuels ont pu mettre dans notre Russie. Si vous lisez Gogol, Dostoïevski, Tolstoï, Gorki. Vous y retrouverez les humiliés et les offensés de toute une époque. Quand éclata la révolution d’Octobre, beaucoup pensaient que notre peuple avait les premiers « renoncé aux vieux monde ». Je pense que nul n’a plus profondément troublé la conscience de l’occident. Lorsqu’à mon tour j’ai lu tous ces livres d’abord dans une sorte d’enthousiasme. J’admirais se réalisme et jusqu’à se cynisme de Lénine, et cette manière sérieuse de se comporter avec nos rêves. Certaines paroles m’ont enchantés comme « Les faits sont têtus. La vérité est toujours concrète. » La théorie est grise et l’arbre de la vie est nécessairement vert, avait dit Goethe. Cette révolution d’octobre me semble être l’égale de la révolution Française relancée par de nouveaux jacobins. Le génie de Lénine a été de prévoir la révolution dans l’empire des tsars, celle-ci ne pouvant réussir que par la violence et la ruse policière, et qu’il fallait opposer une Tcheka une Guépéou. Alors qu’en France, vous avez d’autre habitudes de pensées, un autre goût de la liberté, je ne peux dire laquelle est la meilleure…

 

« Les hommes sont faits comme des oiseaux qui se laissent toujours prendre dans les filets où l’on à déjà pris cent mille oiseaux de leur espèce. Il n’y a personne qui n’entre tout neuf dans la vie, et les sottises des pères sont perdues pour les enfants. »

FONTENELLE , Dialogues des morts.

Par Elena Tikhvinskaya - Publié dans : Cogito: Ma réflexion en cours
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Lundi 5 mai 1 05 /05 /Mai 06:02

Il ne faut pas se mentir à soi-même, et sans devrais-je plus délibérément écrire cette réflexion lorsque je serais plus âgée. Que ces écrits ne soient qu’un bilan et faire le bilan de ce que j’ai gagné, ce que j’ai manqué, négligé, perdu. Ma vie est bel et bien tendue vers l’avenir et j’ai tendance à oublier le passé, souvent je néglige le présent même. Je néglige le jeu et la délectation. Je ne prends peut-être pas assez de temps pour le plaisir. Peut-être devras-je employer mon temps à célébrer tout cela que j’ai jusqu’à présent négligé et qui est peut-être la vie même. On vit mal.

C’est une singulière manie que celle de tout intellectualiser et je viens de découvrir cette manie d’écrire. Elle me vient de je ne sais trop comment, dans le meilleur des cas du fond de moi. Est-ce une gène que j’ éprouve d’être seule, le désir d’échapper à cette solitude, le besoin de vivre et de penser avec les autres, en vous racontant plus ou moins directement mon histoire, de vous confier mes soucis, comme si votre compagnie qu’on espère devait soudain résoudre toutes les questions ? Est-ce, tout au contraire, le besoin d’être seule, d’échapper à la confusion du monde, à toutes ses habitudes, à tous les conformismes, de se rendre compte à moi seule de l’étrange aventure que c’est de sortir un instant du néant pour y rentrer l’instant d’après, de m’en faire le seul juge et de rendre publiquement mon jugement ?


Ce peut-être beaucoup moins grave, rien qu’une manière de passer le temps, de m’amuser et d’amuser les autres et alors il arrive que cela devienne le plus grand et le plus jeu qui soit. Mais ces grandes aventures sont rares, tandis que les vocations factices ne manquent pas, et il arrive à beaucoup d’écrivassières, pris au jeu même, qu’elles tombent à la glossolalie et ne puissent plus s’arrêter. C e n’est plus d’habitude, routine profit et bavardage.

Tout se passe pour la plupart une sorte d’inconscience, et, un jour, on écrit…Il faudrait, pour bien le faire, avoir un grande cervelle et être dans une vraie communication avec le monde et le destin qu’ont ait vraiment quelque chose à dire. Je ne pense pas être née avec de si heureuses dispositions. La grande cervelle m’a toujours manqué, et même je soupçonne d’être née un peu idiote, et le sentiment constant de mes limites ne fait qu’augmenter en moi un vague et profond désir. Douée d’une volonté têtue, des circonstances assez longtemps l’ont mise en œuvre, les difficultés, ne m’ont été que des provocations, si bien qu’en travaillant, j’ai pu prendre idée de ce que pouvait être une plus haute vie, et cette idée me tient à l’ouvrage.

Quand au monde et au destin, avoir quelque chose de vraiment nouveau à en dire suppose qu’on ait des privilège d’un grand malheur ou d’un grand bonheur qui vous ait fait passer les bornes du banal et de l’usuel. Le malheur est le moins rare sans doute et le plus pathétique. Je pense à Nietzsche, à Rousseau, à ce cri qui ouvre les Rêveries d’un promeneur solitaire : « Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, de société que moi-même. » Mais de tels cris, peu d’hommes ont le droit et le pouvoir de les crier. Notre sort est commun, et nous sommes les uns aux autres une assez bonne ou assez mauvaise compagnie. Je ne peux quant à moi, parler et écrire que comme l’un de ceux-la qu’on appelle quelquefois ses semblables, et n’ai rien d’exceptionnel à dire. Même ce que j’ai depuis le début de ma vie, senti, ce qui m’émeut le plus fort, c’est je crois bien, cette ressemblance avec les autres. Je ne me suis connue qu’une seule différence celle de ma sexualité, mais aucune différence dont je puisse tirer gloire et dont la célébration, comme il arrive à certains, ont pu faire toute une œuvre. Je ne sais pas tout ce qu’il y a de hasard dans une carrière. Ma chance, car c’en est une, à l’intérieur de cette communauté confuse que nous formons, dans cette clairière des destins où pour chacun commence la vie, où on sait qu’elles fées, quelles sorcières préparent à chacun son petit rôle pour l’instant qu’il aura à vivre en lui donnant son compte de vis et de vertus, d’intelligence et de sottise, de gentillesse et de dureté, de force et de faiblesse, à été d’avoir trouvé dans mon paquet tout juste de quoi réussir mes études sans rareté mais assez vive grâce à cette insatisfaction originelle par quoi précisément nous sommes des semblables, des hommes.

Certains me définissent comme une intellectuelle, c’est tout inconsciemment et par contagion, que je suis une intellectuelle, c’est à dire une de ces femmes spécialisés dans la ratiocination qui trouvent la vie passionnante qu’elles raisonnent plus éperdument sur elle, quoi que vaillent d’ailleurs leurs ratiocinations. J’ai eu très vite de cette espèce quelques qualités mais souvent tous les vices. Emerveillé par les grands témoignages et les grands jeux d’écrivains d’autrefois ou d’aujourd’hui, je me met à rêver de jouer et de témoigner à mon tour. La décision de le faire comporte toujours quelque vanité. Il faut-être bien convaincue d’en avoir le droit mais j’en doute un peu. Ce qui m’excuse, c’est cette impatience que j’ai en moi, ce besoin soudain de parler et d’écrire pour exister vraiment. Et puis il y a cette fièvre commune d’une génération. Tant d’autres ont pris la même décision que moi, et la foire "blogisthèque"est bruyante. J’essaie d’y placer ma voix. Ce peut n’être qu’un murmure qui ne s’étendra pas.

Par Elena Tikhvinskaya - Publié dans : Cogito: Ma réflexion en cours
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Vendredi 9 mai 5 09 /05 /Mai 09:54

On veut être entendue, écoutée.

On commence généralement par imiter, sans s’en rendre compte, et le plus souvent par la poésie qui semble parole plus pure et plus secrète. J’ai su par cœur, pour ma part, beaucoup de poèmes, de Verlaine et d’Henri de Régnier.

 

C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon cœur a tant de peine.

 

Ou bien :

 

En allant vers la ville où chante aux terrasses

Sous les arbres en fleurs comme des bouquets de fiancées…

 

Et je les imitais sans scrupule ; tantôt Verlaine : j’écrivais rien que pour moi, mais bien sûr avec espoir secret qu’un jour on la découvre, ma propre « chanson bien sage » et veillais bien à ce que les vers en soient un peu hésitant et boiteux, par totale soumission à son « art poétique » ; tantôt Henri de Régnier, et j’alignais, sans retenue, des vers libres éloquents et sonores dans lesquels je me promettais la conquête du monde…C’est une difficile affaire de trouver sa propre voix.

Un hasard me fit rencontrer Tacha. C’est son exemple sans doute qui me décida à écrire pour les autres et qui fait que je sois là aujourd’hui. C’est une femme d’une générosité rayonnante. Elle m’a révélé que la vie pouvait être gracieuse, intelligente et bonne. Tacha avait idée de faire un livre sur la jalousie. Alors j’ai souhaité devenir sa secrétaire. Grâce à elle j’ai tout lu, à la bibliothèque nationale, de ce qu’on savait de nouveau sur le sujet. J’ai lu consciencieusement toutes sortes de traités, de monographies savantes physiologiques et psychologiques, mais vainement et je crains de ne pas avoir été d’un grand service. Je pensais, quant à moi, un peu naïvement, qu’il n’y avait plus grand-chose à dire sur le sujet après Phèdre que j’admirais. Au reste, elle fini par y renoncer, mais elle m’avait aidé à vivre et j’avais vu de près ce que c’est qu’écrire. Ses notes étaient comme des plaidoiries. Elle faisait et fait encore souvent scandale. Elle écrit comme on livre un combat et par le seul souci du bien public. Elle me donna des conseils, des consignes, et m’inventa un nouveau jeux. Je devais tout les soirs au diner faire une conférence sur ce que je voulais, sur tout sur rien, mais occuper mon esprit, m’obliger à construire et à parler français. C’est une assez dure épreuve de parler à celle que l’on aime qui ne veut pas voir mais qui est prête à tout attendre. On sent une effrayante obligation. Elle m’a à plusieurs reprise suggéré d’écrire une roman, j’en avais le titre : l’interdite. Je n’en fus jamais capable.

C’est affaire d’imagination. Je regrette souvent, d’être si raisonnable, jamais un peu folle et de ne pas s’avoir m’amuser. Je me dis souvent qu’on devrait ouvrir des écoles d’imagination. J’ai peut être tort : ce n’est que la raison qui peut mettre l’ordre dans le monde, et je suis cartésienne de tout moi-même, mais parfois je souhaite que la raison ne soit jamais dure et sèche, ni trop courte, qu’elle se détende quelquefois et s’éclaire de fantaisie, comme il arrive dans Montaigne, Voltaire, ou Nabokov. Je suis une idéologue mais j’aime que les idées aient toujours leur aigrette de feu et qu’on sente en elles le frémissement de ce « long désir » dont parle Valery. Le vrai est que l’imagination pour les gens de mon age, pour les vieux, ne valent plus rien quand elles les enferment en eux-même. Je manque sûrement d’imagination. Je ne veux pas parler de cette folle du logis qui, tournée vers nous mêmes, nous égare et nous remplit d’illusions. Je pense à l’imagination qui, tournée vers le monde, nous rend plus sensibles à la vie des autres. C’est l’imagination des romanciers. J e ne cesse de donner la parole à d’autres, a Michlet, à Rousseau, à Voltaire, à Tolstoï. Je crois trouver en eux tout l’homme, tous sont destin. Même ici sur mon blog, il m’arrive de trouver que je ne crois pas en moi-même. Il est des offenses, des humiliations dont il semble qu’on ne puisse guérir. Quand on a senti très fort dans son enfance, un instant mais plusieurs fois répété, l’humilité de ce qu’on est alors on a de la peine à se redresser tout à fait, comme un roseau qui aurait trop longtemps plié. « Le roseau plie mais ne rompt pas », il est vrai, mais il n’est pas resté la même tige droite toute tendue vers le ciel. Si j’avais à recommencer, je ne serais plus cette petite fille aussi polie et sage, et je ferais en sorte d’apparaître davantage comme une femme dans tout son honneur et sa liberté, ne plus subir cette différence sexuelle, marque comme je le fis jadis.

 

Je remarque qu’une excessive humilité convient sûrement mal à un écrivain. Le plus grand nombre d’entre eux ne passe pas pour en être infligé. On leur attribue plutôt de la vanité, mais elle leur est sans doute bien nécessaire. Ceux qui la leur reprochent n’imagine pas ce qu’est le combat avec la page blanche. Il faut, dès le départ, pour seulement commencer, de la confiance en soi, pour continuer de l’entêtement, pour gagner enfin, de l’amour propre et du courage. C’est beaucoup d’audace que de prétendre affronter des lecteurs qui, à première vue, ne semble pas être particulièrement indulgents, et par comble, de les vouloir plus nombreux possible. Il y a une grande conviction intérieure, une sûreté un peu orgueilleuse. Les gens aiment être médusés. Si vous éditez un blog où vous aurez tout mis de vous-même, ne soyez donc pas trop modestes, ne dites pas trop de mal de vous. L es gens auraient trop de plaisir à vous croire et à n’accorder aucun intérêt à vos écrits. Ce n’est pas votre seule personne qui est en cause quand vous éditez un blog. C’est tout l’effort que vous avez fait pour aller au delà de vous même, à la rencontre des autres et sentir et reconnaître la condition commune. C’est la pensée. Gardez-lui donc toute sa fierté.

 

On peut se perdre aussi, il est vrai, par la vanité. La « foire sur la place » est assez triste spectacle. Il est peu d’activité qui, autant que celui d’artiste ou écrivain, mettent et montre le moi d’un homme et à l’épreuve son amour-propre. Quand tout se voit, se joue publiquement, comment accepter de n’être jamais au premier rang ? On veut valoir plus que tout les autres. Le succès fait de vous une femme public sur qui tout le monde à des yeux. Il en peut résulter , surtout entre des écrivains des jalousies et des rivalités qu’on imagine pas…

Par Elena Tikhvinskaya - Publié dans : Cogito: Ma réflexion en cours
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