Lundi 5 mai 1 05 /05 /Mai 06:02

Il ne faut pas se mentir à soi-même, et sans devrais-je plus délibérément écrire cette réflexion lorsque je serais plus âgée. Que ces écrits ne soient qu’un bilan et faire le bilan de ce que j’ai gagné, ce que j’ai manqué, négligé, perdu. Ma vie est bel et bien tendue vers l’avenir et j’ai tendance à oublier le passé, souvent je néglige le présent même. Je néglige le jeu et la délectation. Je ne prends peut-être pas assez de temps pour le plaisir. Peut-être devras-je employer mon temps à célébrer tout cela que j’ai jusqu’à présent négligé et qui est peut-être la vie même. On vit mal.

C’est une singulière manie que celle de tout intellectualiser et je viens de découvrir cette manie d’écrire. Elle me vient de je ne sais trop comment, dans le meilleur des cas du fond de moi. Est-ce une gène que j’ éprouve d’être seule, le désir d’échapper à cette solitude, le besoin de vivre et de penser avec les autres, en vous racontant plus ou moins directement mon histoire, de vous confier mes soucis, comme si votre compagnie qu’on espère devait soudain résoudre toutes les questions ? Est-ce, tout au contraire, le besoin d’être seule, d’échapper à la confusion du monde, à toutes ses habitudes, à tous les conformismes, de se rendre compte à moi seule de l’étrange aventure que c’est de sortir un instant du néant pour y rentrer l’instant d’après, de m’en faire le seul juge et de rendre publiquement mon jugement ?


Ce peut-être beaucoup moins grave, rien qu’une manière de passer le temps, de m’amuser et d’amuser les autres et alors il arrive que cela devienne le plus grand et le plus jeu qui soit. Mais ces grandes aventures sont rares, tandis que les vocations factices ne manquent pas, et il arrive à beaucoup d’écrivassières, pris au jeu même, qu’elles tombent à la glossolalie et ne puissent plus s’arrêter. C e n’est plus d’habitude, routine profit et bavardage.

Tout se passe pour la plupart une sorte d’inconscience, et, un jour, on écrit…Il faudrait, pour bien le faire, avoir un grande cervelle et être dans une vraie communication avec le monde et le destin qu’ont ait vraiment quelque chose à dire. Je ne pense pas être née avec de si heureuses dispositions. La grande cervelle m’a toujours manqué, et même je soupçonne d’être née un peu idiote, et le sentiment constant de mes limites ne fait qu’augmenter en moi un vague et profond désir. Douée d’une volonté têtue, des circonstances assez longtemps l’ont mise en œuvre, les difficultés, ne m’ont été que des provocations, si bien qu’en travaillant, j’ai pu prendre idée de ce que pouvait être une plus haute vie, et cette idée me tient à l’ouvrage.

Quand au monde et au destin, avoir quelque chose de vraiment nouveau à en dire suppose qu’on ait des privilège d’un grand malheur ou d’un grand bonheur qui vous ait fait passer les bornes du banal et de l’usuel. Le malheur est le moins rare sans doute et le plus pathétique. Je pense à Nietzsche, à Rousseau, à ce cri qui ouvre les Rêveries d’un promeneur solitaire : « Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, de société que moi-même. » Mais de tels cris, peu d’hommes ont le droit et le pouvoir de les crier. Notre sort est commun, et nous sommes les uns aux autres une assez bonne ou assez mauvaise compagnie. Je ne peux quant à moi, parler et écrire que comme l’un de ceux-la qu’on appelle quelquefois ses semblables, et n’ai rien d’exceptionnel à dire. Même ce que j’ai depuis le début de ma vie, senti, ce qui m’émeut le plus fort, c’est je crois bien, cette ressemblance avec les autres. Je ne me suis connue qu’une seule différence celle de ma sexualité, mais aucune différence dont je puisse tirer gloire et dont la célébration, comme il arrive à certains, ont pu faire toute une œuvre. Je ne sais pas tout ce qu’il y a de hasard dans une carrière. Ma chance, car c’en est une, à l’intérieur de cette communauté confuse que nous formons, dans cette clairière des destins où pour chacun commence la vie, où on sait qu’elles fées, quelles sorcières préparent à chacun son petit rôle pour l’instant qu’il aura à vivre en lui donnant son compte de vis et de vertus, d’intelligence et de sottise, de gentillesse et de dureté, de force et de faiblesse, à été d’avoir trouvé dans mon paquet tout juste de quoi réussir mes études sans rareté mais assez vive grâce à cette insatisfaction originelle par quoi précisément nous sommes des semblables, des hommes.

Certains me définissent comme une intellectuelle, c’est tout inconsciemment et par contagion, que je suis une intellectuelle, c’est à dire une de ces femmes spécialisés dans la ratiocination qui trouvent la vie passionnante qu’elles raisonnent plus éperdument sur elle, quoi que vaillent d’ailleurs leurs ratiocinations. J’ai eu très vite de cette espèce quelques qualités mais souvent tous les vices. Emerveillé par les grands témoignages et les grands jeux d’écrivains d’autrefois ou d’aujourd’hui, je me met à rêver de jouer et de témoigner à mon tour. La décision de le faire comporte toujours quelque vanité. Il faut-être bien convaincue d’en avoir le droit mais j’en doute un peu. Ce qui m’excuse, c’est cette impatience que j’ai en moi, ce besoin soudain de parler et d’écrire pour exister vraiment. Et puis il y a cette fièvre commune d’une génération. Tant d’autres ont pris la même décision que moi, et la foire "blogisthèque"est bruyante. J’essaie d’y placer ma voix. Ce peut n’être qu’un murmure qui ne s’étendra pas.

Par Elena Tikhvinskaya - Publié dans : Cogito: Ma réflexion en cours
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