J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. Je ne dois pas oublier, je dois rester réservée, calme, olympienne, lisse, détachée ; tel un moine tibétain en somme…
Je respire, je ferme les yeux, je plane, je suis en même temps cette petite fille qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine…
Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir…
Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe.
Un blog se fait tout seul, et mon blog est universel si je le veux, ma vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Les lecteurs aimeraient tellement que je sois là pour. Que j’existe et que j’agisse pour. Que je pense en fonction d’eux et pour. Je dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que je sais, je suis la seule à le savoir.
Eléna Tikhvinskaya