Jeudi 24 avril 4 24 /04 /Avr 11:53

Ce qui m’inquiète davantage c’est que je trouve que tu plaisir là même où le plus grand nombre de mes contemporains ne trouvent que de la peine, dans mon travail. Le travail n’est souvent pour eux que la nécessité et la contrainte, le moyen de gagner une vie. Ils s’appliquent les dimanche et les jours de repos à oublier. Ces jours là, ils deviennent  d’autre personnes. Il ont leur âme du dimanche, comme jadis les gens avaient leurs habits du dimanche. Pour moi tous les jours sont des dimanches. Mon travail est mon plaisir, ma vie même. Je crains qu’une telle vie soit faussée. Depuis la fin du lycée, je n’ai plus l’impression de travailler. Je ne fais que ce qui me plait : calculer, imaginer, rêver, parler, écrire. Quand les journées sont longues, c’est que je n’accepte pas que finisse le plaisir. Je pense à ceux pour qui le travail n’est qu’un moyen d’avoir du pain. Que peuvent valoir pour eux tous mes équations ou mes petits papiers de mon blog ? Il me semble parfois n’avoir moi-même qu’une âme de papier, délestée et vaine, à qui manque le poids des épreuves et de la nécessité.

 

Quelquefois, la nuit, entre la veille et le sommeil, préoccupée par le mauvais usage que je fais de ma vie et la chance que j’ai d’être là, je pense au blog qu’un autre que moi pourrait écrire à propos de mon âme. Il me semble, dans l’étrangeté de la rêverie, tenir la mienne comme une chose dans mes mains. Je la tourne, la retourne et l’interroge. Je voudrais qu’elle parle et me dise ce qu’elle est vraiment, ce que je ne parvient pas à savoir. Je bavarde avec vous sur mon blog, on s’ignore ou l’on s’oublie. On connaît très mal sa propre histoire, et tout se passe au-delà des anecdotes dont on se souvient et qu’on peut raconter, même sans vanité et sans forfanterie. Et pourtant quelle histoire ce pourrait être, si on parvenait à en retrouver le fil, quelquefois rompu, mais toujours raccommodé, le jeu des choses où l’on fût pris, des fidélités et des infidélités à soi-même, l’élan, la tension même à travers ses faiblesses, l’instinct égoïste qui invinciblement lui donna une suite et la régla, jusqu’à ce que, insidieusement et, le plus souvent, sans qu’on sache seulement comment, le destin ait le même et dernier mot, et tout cela n’étant qu’une secrète bataille dont, dans quelques rare moments, on a une totale conscience.

 

On annonce la civilisation des loisirs. Mais les loisirs des hommes nécéssitent la même formation, la même préparation que leur travail. Tout est affaire de dons naturels et d’éducation. Nous faisons les métiers que nous pouvons faire que nous avons appris à faire. Nous n’avons de même et nous n’aurons jamais que les loisirs que nous méritons, ceux pour lesquels nous aurons été préparés. Je souhaite qu’on joue un peu moins au football et qu’on lise d’avantage.

Si bien qu’en fin de compte le problème des loisirs est encore le problème de l’enseignement. La société industrielle contemporaine se prépare seulement une main-d’œuvre. Elle est comme on dit fonctionnelle. Son principe utilitaire est un principe de mutation. De grande masse de robots dociles et un peu bêtes suffiraient à assurer son développement, et les loisirs de ces robots pourraient être seulement imbéciles. Il est plus nécessaire que jamais de préparer les hommes dès l’école, à la gratuité et au désintéressement, à une vraie vie au-delà de celle qu’ils gagnent. Prenons garde ! Il peut-être plus malaisé de sortir un peuple de la demi-culture et de sa suffisance vaniteuse que de l’ignorance et de l’analphabétisme. Les derniers progrès sont les plus difficiles.

 

L’inégalité des esprits entre les hommes est la plus douloureuse à considérer qui soit. Il est à cet égard deux politiques : l’une est de s’en accommoder, voire d’en profiter de l’entretenir ; l’autre fait tout ce Qu’elle peut pour la corriger sinon l’abolir, puisque cela est impossible.

Liberté ! aucun mot peut-être, n’est plus souvent employé, mais aucun n’est plus hypocritement exploité. Rares sont les hommes libres, je veux dire les hommes qui pensent à l’être et le veulent vraiment. Pour la grande masse, la liberté est seulement celle de ses habitudes, mais elle y tient. Ainsi la liberté est-elle un mot si populaire. Mais elle ne désigne le plus souvent qu’un conformisme, une illusion qui, bien entretenue par le pouvoir, fait oublier la justice. L’occident serait liberté, assure-t-on, l’Orient, servitude. Je ne vois que deux formes de servitude, soit que la liberté fasse oublier la justice, soit la justice fasse oublier la liberté.

 

Grâce à mon blog, je voudrais écrire dans la sérénité et l’indifférence ce qui a chance d’être mon espace personnel et intime. Il y a un ton à trouver, le ton juste, pour rencontrer le vrai. Mais la mémoire est mauvaise conseillère. Le magasin d’idées est comme vide. Je n’ai pour vous écrire que ma passion, qui est le mouvement de ma vie. Suffira-t-elle ? Je n’ai rien à demander à mes lecteurs, je n’attends rien d’eux. Est-il, peut-être meilleures conditions pour écrire ? Ce devrait être vraiment un espace de vérité. Et pourtant j’écris mal.

N’aurais-je rien à dire ? Cet état d’indifférence où vous met la réflexion n’est pas un état de vérité. I l faut sans doute être dans l’inquiétude et le combat pour sentir, entendre un appel. Ainsi notre destin est-il de ne pas l’entrevoir jamais que confusément.

 

Peut-être que je n’écris que d’après moi-même et je ne pense pas assez à ce que disent ou veulent dire les autres. S i je les écoutes, je m’enrichirai très certainement. Que voulait dire Guilloux, Dabit, Giono, Malraux ?

 

« Il me semble que la nature à travaillé pour des ingrats : nous sommes heureux et nos discours sont tels qu’il semble que nous ne le soupçonnions pas. Cependant nous trouvons partout des plaisirs ; ils sont attachés à notre être. Il faudrait convaincre les hommes du bonheur qu’ils ignorent, lors même qu’ils en jouissent » MONTESQUIEU, cahiers.

Par Elena Tikhvinskaya - Publié dans : Cogito: Ma réflexion en cours
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