Texte pour Lyne le 03 mai 2008.
Les mots servent à pousser notre présent pour faire la place à notre futur, à faire coexister des temps si proches et parfois si éloignés…
Nous vivrons dans un pavillon discret qui tiendra la bride de la fantaisie. Dans notre chez nous, on préparera les repas dans la
cuisine, on dînera dans la salle à manger, on prendra le café au salon. De jolies pièces, meublées bourgeoisement, ou l’atmosphère dense, tissée de silence, de fantômes et de musique feront écho
aux heurs et malheurs d’une sensibilité exacerbée. Le soleil des après-midi ne fera qu’effleurer l’ambiance automnale et mélancolique. L’imaginaire de ma Maîtresse émettra des vibrations dans un
univers dont la banalité ne sera qu’apparente. Nous vivrons un pied dans le bdsm l’autre appuyé sur la terre ferme du quotidien. Nous vivrons dans ce pays, si étrange et si familier, que d’aucuns
qualifieront de fiction.
Toute une géométrie humaine et lexicale entrera dans notre panoplie d’amoureuses de la vie. Amoureuses toutes les deux de bdsm,
passionnées par l’opéra, par la littérature, par la poésie et de philosophie. Le bonheur de lire les ouvrages français ou russe, dans le texte confinera à la pure volupté. Un léger pas de coté,
et la réalité dérapera entre une soumission extrème et notre vie. Nous édifierons des passerelles entre rêves et réalité, présent et futur, mémoire et projection.
Nous connaîtrons le miroir déformant de la dominatrice et de la soumise, de cette conscience obstinée entre notre nous et le monde
bdsm s’amenuisant par le biais de l’institution et cette facilité de vibrer en empathie avec Sade disparu dans les chausse-trapes du temps.
Et comme Lyne aime marcher, nous irons dans la campagne, à deux pas de notre maison, faire le tour d’un lac. Peut-être lira-t-on quelques poèmes d’un petit livre
que nous emporterons toujours, celui-là ou un autre, dans une poche. Peut-être, en regardant les anatidés caboter et virevolter avec un bel ensemble, serons nous frôlés par la sensation
jubilatoire de la vie de dominatrice ou de soumise dans l’instant…
Elena Tikhvinskaya